02 octobre 2006

Fiction de la réalité (extrait de roman)

La journée est interminable. Il a du boulot par-dessus la tête mais il n’arrive pas à se fixer. Le temps est bizarre. C’est long et court à la fois. Les heures défilent à toute vitesse mais il a l’impression que le temps a suspendu son cours. Il se dit que tout ceci est un cauchemar et par moment, il se dit que cela peut être aussi un espoir d’un retournement de situation qui arriverait en retard. Il ne sait pas s’il ne l’aime plus parce qu’autant, au fond de son cœur, cet espoir réchaufferait son cœur, autant dans sa tête, ce serait un peu comme si le cauchemar continuait. Tous ses sentiments et ses idées sont contradictoires. Il sait qu’il pourrait dire tout et son contraire dans une seule et même phrase. Il sait l’heure du rendez-vous. L’heure passe. Une autre heure et encore une autre. Pas de nouvelles. C’est quoi ce silence ? C’est le calme avant la tempête ou l’inverse. Il quitte le boulot. Les gens dans la rue lui semblent être des ombres, des pantins. Ou peut-être est-ce lui l’ombre et le pantin ?

Une fois chez lui, il se prend une bière. Pas de nouvelles. Il envoie un message. Il sait pas trop comment le tourner mais au bout de la dixième version, il finit par trouver une formulation qui lui paraît neutre. Il marque un temps d’hésitation avant d’appuyer sur le bouton [Envoyer]. Accusé. Puis deux heures passent. Il ne tient plus. Il appelle, laisse un message. Il ne sait plus depuis combien de temps quand le message tombe « Tu peux m’appeler ? ». Il appelle. Comme d’habitude, la conversation lui semble irréaliste. Elle lui dit que c’est confirmé : elle est enceinte. Et ? Que ce n’est pas lui le père. Et là, c’est un peu comme si deux mondes se mettaient à coexister dans sa tête. C’est à la fois, la sortie du tunnel et l’entrée dans un autre où normalement, il ne devrait pas mettre les pieds. Mais voilà, c’est un peu de cette histoire sans queue ni tête qui se poursuit.

Elle ne sait pas s’il faut qu’elle le garde. Elle en a envie mais elle n’aime pas le père. Elle ne peut pas en parler avec lui parce qu’il est forcément d’accord pour le garder. Il ne sait pas quoi lui dire sinon lui redire ce qu’il a essayé de lui faire comprendre pendant tout le temps de leur relation. Elle lui dit qu’il fait partie des seules personnes à la comprendre. Il tente de le cacher mais il pleure quand elle lui dit cela. Voilà toute la contradiction. Tout est dans le choix.

Quand il raccroche, il reste un moment immobile. Son cerveau se fige. Son cœur s’est remis à battre mais c’est l’incompréhension totale de la morale de cette histoire qui lui échappe. Il sait que les gens ne sont pas parfaits, ils peuvent être changeants et illogiques. Lui aussi est comme cela, sinon qu’il n’en serait pas arrivé là. Mais là, ce n’est plus de cela qu’il est question. Il n’y a pas de morale, ni vraiment de leçon à tirer de cette histoire. Du moins, pas tout de suite. Et puis si, en fait, juste choisir aurait changé le cours du récit. Ne pas rentrer dans cette histoire sans imposer en préalable ce choix. Ne pas laisser de côté les choses qui ne vont pas bien, choisir de les changer. Choisir. Choisir. Choisir. Juste cela.

Il a les larmes qui lui montent aux yeux. Son cœur fait des nœuds. C’est peut-être aberrant mais il aurait voulu que la réalité soit différente. Il a tellement rêvé de ce moment-là, que ce serait la plus belle chose de sa vie. C’est égoïste de penser cela. Il met sa tête sous l’oreiller pour que personne n’entende. Il pleure tout cela.